Juste une minute pour de jolis mots…

 

Vous demandez si l’amour rend heureuse ;
Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.
Ah ! pour un jour d’existence amoureuse,
Qui ne mourrait ? la vie est dans l’amour

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Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j’ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.

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Si le sourire, éclair inattendu,
Brille parfois au milieu de mes larmes,
C’était l’amour ; c’était lui, mais sans armes ;
C’était le ciel… qu’avec lui j’ai perdu.

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Sans lui, le coeur est un foyer sans flamme ;
Il brûle tout, ce doux empoisonneur.
J’ai dit bien vrai comme il déchire une âme :
Demandez-donc s’il donne le bonheur !

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Vous le saurez : oui, quoi qu’il en puisse être,
De gré, de force, amour sera le maître ;
Et, dans sa fièvre alors lente à guérir,
Vous souffrirez, ou vous ferez souffrir.

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Dès qu’on l’a vu, son absence est affreuse ;
Dès qu’il revient, on tremble nuit et jour ;
Souvent enfin la mort est dans l’amour ;
Et cependant… oui, l’amour rend heureuse !

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Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)

Des mots que j’aime …

Ma maison

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Quand j’ai chaussé les bottes

Qui devaient m’amener à la ville
j’ai mis dans ma poche
Une vieille maison
Où j’avais fait entrer
Une jeune fille
Il y avait déjà ma mère dans la cuisine
En train de servir le saumon
Quatre pieds carrés de soleil
Sur le plancher lavé
Mon père était à travailler
Ma sœur à cueillir des framboises
Et le voisin d’en face et celui d’en arrière
Qui parlaient de beau temps
Sur la clôture à quatre lisses
Et de l’air propre autour de tout cela

.

Aussitôt arrivé en ville
j’ai sorti ma maison de ma poche
Et c’était un harmonica

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Gilles Vigneault

Moi, je vis la vie à côté

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Moi, je vis la vie à côté,
Pleurant alors que c’est la fête.
Les gens disent : Comme il est bête!
En somme, je suis mal coté.
J’allume du feu dans l’été,
Dans l’usine je suis poète ;
Pour les pitres je fais la quête.
Qu’importe ! J’aime la beauté.

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Beauté des pays et des femmes,
Beauté des vers, beauté des flammes,
Beauté du bien, beauté du mal.

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J’ai trop étudié les choses ;
Le temps marche d’un pas normal;
Des roses, des roses, des roses !

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Charles Cros 1842-1888 (« Le collier de griffes« )

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Les vagues prisonnières ne respirent pas facilement sous un toit. Elles se décolorent, elles perdent leur chevelure d’écume et jusqu’à cette façon de ployer le torse.
Mais malheur à qui fut assez adroit pour capturer une jeune vague, non point assez vigilant pour l’endormir.
Un coquillage oublié dans la maison, quelque forme de vaisseau, lui rend l’instinct de sa race sauvage et voici qu’elle se gonfle, élève sa fureur et se précipite, emportant tout à la mer, où elle recommence une vie d’une grande beauté.

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Géo Norge 1923-1988 (poète belge)

Deux voyages …

Les bagages

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Une dame avait pour bagages :
Un coffre, une cage, trois paniers, cinq malles, un faitout,
Plus un gentil petit toutou.

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Au guichet d’enregistrement,
L’enregistreur évidemment
Enregistra tous ses bagages :
Un coffre, une cage, trois paniers, cinq malles, un faitout,
Un tout petit toutou.

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Puis, dans le tout dernier wagon,
Le wagon dénommé fourgon,
On empila tous ses bagages :
On y mit tout, jusqu’au toutou.

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Or, avant même qu’on roulât,
Le cher toutou se défila …

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Ce ne fut qu’à l’arrêt suivant
À l’arrêt suivant, pas avant !
Qu’on recompta les bagages :
Nom d’un bonhomme ! et le toutou ?

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Au même instant qu’est-ce qu’on voit ?
Un dogue, à côté du convoi …
On l’attrape, et hop ! aux bagages ! …
Le mâtin rejoint coffre, cage, paniers, valises, malles et faitout :
Le dit dogue devient toutou.

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Bref, on arrive à Jitomir.
Un porteur nommé Vladimir, ou Kantémir ou Clodomir …
Un porteur porte les bagages :
Sur ses talons trotte un toutou …

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Le toutou pousse un aboiement ! …
La dame alors : – Hein ? Quoi ? Comment ? Bandits ! Voyous ! Vauriens !
Ce chien … ce chien n’est pas le mien !
Que m’importent tous ces bagages !
Gardez valises et coffre et cages, malles et faitout …
Rendez- moi mon petit toutou !

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Madame ! à quoi bon tout casser ?
Si j’en crois le récépissé, vous ne déposâtes aux bagages
Alors, qu’un tout petit toutou …
À voyager, votre toutou
A pu changer du tout au tout !

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L’hurluberlu

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Connaissez-vous l’hurluberlu
De la rue Lanturlu ?

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Il se lève un dimanche,
Enfile ses deux manches

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De chemise… Allons bon,
C’est son vieux pantalon !

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Ah ! quel hurluberlu
De la rue Lanturlu !

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Il met des caoutchoucs :
C’est pas les siens du tout!

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Et puis un pardessus :
C’est pas le sien non plus !

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Ah! quel hurluberlu
De la rue Lanturlu !

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Au lieu de son chapeau
Il s’est coiffé d’un pot,

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Et il met ses pantoufles
À la place des moufles.

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Ah! quel hurluberlu
De la rue Lanturlu !

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Il a pris l’autobus
Pour aller à la gare;

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S’embrouillant tant et plus,
Le voici qui déclare
Au chauffeur-conducteur :

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« Très cher et honoré
Chaubus de l’autoffeur,
Cher auto chauforé,
Honobus du cherfeur !
Laissez-moi démonter,
Je vais être en retard;
Pouvez-vous arrêter
Votre gus à la bare  ? »

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Le chauffeur stupéfait
Freine vite à l’arrêt.
Et notre hurluberlu
De la rue Lanturlu
Court alors au buffet
Acheter un billet,
Puis il file chercher
Un sandwich au guichet.

.

Ah! quel hurluberlu
De la rue Lanturlu!

.

Sans trop faire  attention,
Il va vers un wagon
Qui était en garage,
Y monte ses bagages,
S’installe et tôt s’endort

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Après tous ces efforts,
De bon matin, il dit :

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 » Quel est donc cet arrêt ? « 

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 » Mais c’est Paris, pardi !  »
Lui répond-on du quai.

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Après un petit somme
Il se penche au-dehors,
Voit une gare énorme
Et une fois encore
Demande, un peu surpris :
 » Mais quel est cet arrêt ?
Trifouillis ou Tremblay ?  »
 » Non, pardi, c’est Paris !  »
Lui répond-on du quai.

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Il refait un bon somme,
Puis se penche au-dehors,
Voit une gare énorme
Et demande bien fort,
De plus en plus surpris:
 » Mais quel est cet arrêt ?
Bécon ou Bilboquet ?  »
 » Non, pardi, c’est Paris !  »
Lui répond-on du quai.

.

 » Quelle blague !  » il s’écrie,
« J ‘ai bien roulé deux jours,
Et voilà qu’à Paris
Je serais de retour !  »

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Ah! quel hurluberlu
De la rue Lanturlu… 

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Samuel Marchak (1887-1964)

Poète russe contemporain, qui a connu la Russie impériale et la Russie République de l’URSS. Il est auteur pour enfants de poésies et de pièces de théâtre.

Louise Labé …

 

Je vis, je meurs: je me brûle et me noie,
J’ai chaud extrême en endurant froidure;
La vie m’est et trop molle et trop dure,
J’ai grands ennuis entremêles de joie.

Tout en un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure,
Mon bien s’en va, et à jamais il dure,
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être en haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

 

 

 

Louise Labé (1524-1566)

       Poétesse de l’école lyonnaise formée autour de Maurice Scève, qui fut l’une des plus grandes femmes de lettres du XVIe siècle.

 

Née à Lyon, elle était la fille d’un riche cordier, Pierre Charly (ou Charlin), surnommé Labé. Elle reçut une bonne éducation «!à l’italienne!» – enseignement de l’italien, du latin et de la musique – et fut instruite au maniement des armes. Autour de 1543, son mariage avec un cordier lui valut son surnom de «!Belle Cordière!».

Son caractère indépendant et des rumeurs lui prêtant une liaison avec un poète de La Pléiade, Magny, lui firent à tort une réputation de femme légère. Elle fut en revanche fort réputée, et appréciée des poètes de son temps, qui lui dédièrent de nombreux vers et qui chantèrent sa beauté.

L’œuvre de Louise Labé, publiée intégralement en 1555, est composée essentiellement d’élégies et de sonnets amoureux, qui furent écrits entre 1545 et 1555. Ces poèmes, d’une grande rigueur formelle, se distinguent des œuvres contemporaines par leur ardeur, leur spontanéité et la sincérité des sentiments exprimés, en même temps que par une philosophie de l’amour d’inspiration platonicienne.

 

 

Le Baiser…

Quand ton col de couleur rose
Se donne à mon embrassement
Et ton oeil languit doucement
D’une paupière à demi close,

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Mon âme se fond du désir
Dont elle est ardemment pleine
Et ne peut souffrir à grand’peine
La force d’un si grand plaisir.

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Puis, quand s’approche de la tienne
Ma lèvre, et que si près je suis
Que la fleur recueillir je puis
De ton haleine ambroisienne,

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Quand le soupir de ces odeurs
Où nos deux langues qui se jouent
Moitement folâtrent et nouent,
Eventent mes douces ardeurs,

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Il me semble être assis à table
Avec les dieux, tant je suis heureux,
Et boire à longs traits savoureux
Leur doux breuvage délectable.

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Si le bien qui au plus grand bien
Est plus prochain, prendre ou me laisse,
Pourquoi me permets-tu, maîtresse,
Qu’encore le plus grand soit mien?

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As-tu peur que la jouissance
D’un si grand heur me fasse dieu?
Et que sans toi je vole au lieu
D’éternelle réjouissance?

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Belle, n’aie peur de cela,
Partout où sera ta demeure,
Mon ciel, jusqu’à tant que je meure,
Et mon paradis sera là.

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JOACHIM DU BELLAY (1542)

Quand les poèmes passent les frontières …..

Renaissance

La neige est une pensée
qui tombe, un souffle continuel
d’ascensions, de boucles,de spirales
de plongeons dans la terre
comme de blanches lucioles
désirant se poser, prises
dans la bourrasque
entre les maisons
plongées comme des mites
dans leur propre lumière
comme un qui s’étonne
que la neige soit une longue mémoire
d’aile qui traverse l’hiver.

Steve Crow (Indien Cherokee)

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Steve Crow est né en 1949 en Alabama. Il est Cherokee/Irlandais. Docteur en anglais, poète, il donne des cours de littérature amérindienne contemporaine à l’Université du Nouveau Mexique.

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Lynx

Le dos arqué comme un point d’interrogation,
il me dévisage fixement,
le lynx sort à reculons des broussailles
à pas lents et silencieux sur les épines.

Mon grand-père Indien disait
ne te faufile pas
trop vite vers un lynx
mais si on le fait
c’est une cible facile.
C’est beaucoup
plus glorieux
que de se retourner et de courir.

Je me souviens de cela
quand les yeux du lynx
se détournèrent
regardant ceux dont les noms
surent comment se cacher
se fondant à nouveau
dans l’ombre, les cèdres et les pins.

Jo Bruchac – 1953

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Jo Bruchac est né en 1942. Il est Abenaki. Poète, conteur, éditeur, romancier, diffuseur de la littérature amérindienne, il a publié 24 recueils de poésie, contes, récits. Il est également militant écologiste et profondément engagé dans la lutte pour les Droits des Amérindiens.

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Le chant de jubilation de Tsoai-Talee

Je suis une plume dans le ciel lumineux
Je suis le cheval bleu qui galope dans la plaine
Je suis le poisson qui virevolte et miroite dans l’eau
Je suis l’ombre qui suit l’enfant
Je suis la luminosité de l’après-midi, l’éclat des prairies
Je suis l’aigle qui joue avec le vent
Je suis un bouquet de perles étincelantes
Je suis la plus lointaine étoile
Je suis le grondement de la pluie
Je suis le scintillement sur la neige croûtée
Je suis la large traînée de la lune sur le lac
Je suis une flamme de quatre couleurs
Je suis un cerf qui s’éloigne au crépuscule
Je suis un champ de sumac et la pomme blanche
Je suis un vol d’oies dans le ciel d’hiver
Je suis la faim d’un jeune loup
Je suis totalement le rêve de ces choses.

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Voyez-vous, je suis vivant, je suis vivant

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Je suis en bons termes avec la terre
Je suis en bons termes avec les dieux
Je suis en bons termes avec tout ce qui est beau
Je suis en bons termes avec la fille de Tsen-Tainte

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Voyez-vous, je suis vivant, je suis vivant.

Navarre Scott Momaday

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Navarre Scott Momaday, né en 1934 est un romancier, poète et universitaire états-unien d’origine amérindienne (Indien Algonquin).

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Ris

Ris !
Douceur du printemps, parfum des vergers,
Ris !
Que les fleurs s’épanouissent,
Que les astres brillent
Ris !
Que ta belle voix sonore
Chante
Dans l’infinie de ce monde,
Que les souffrances s’éloignent
Que les tristesses s’évanouissent
Et que ce monde devienne
Un bouquet de roses
Ris ! … Ris !  … Ris …!
Le jour et la nuit,
Dans la passion des minuits.
Que ta belle voix sonore
Chante
Dans l’infini de ce monde

Kamuran Aali Bedir Khan (« La Lyre kurde » –

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Kamuran Aali Bedir Khan (émir) est un poète kurde contemporain, défenseur de l’identité politique, économique et culturelle du Kurdistan.

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Le toit de notre maison

Le toit de notre maison,
C’est le grand ciel tout nu.
Notre maison est solide.
Personne ne peut la renverser.

Les fondations de notre maison
C’est un coin de terre sans rien.
Notre maison est solide
Personne ne peut la ruiner.

Les murs de notre maison
C’est le froid et ce sont les vents.
Notre maison est solide
Personne ne peut l’atteindre.

A notre maison, il y a une fenêtre
A la fenêtre, tes yeux.
Notre maison est solide
C’est le cœur tsigane.

Jenuz Duka

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Jenuz Duka, est un poète tsigane d’aujourd’hui. Ce poème est chanté en rromani (deux « r »), la langue des Rroms (Roms). Les Roms sont autrement appelés les Tsiganes, qu’il ne faut pas confondre avec les Roumains, même si  c’est sur le territoire de la Roumanie qu’ils sont les plus nombreux : Roumains et Roms ont des origines, des langues et des cultures différentes.

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Tendresse adolescente…

 

 

Le premier baiser

Dans tes yeux étincelants,

Je me noie l’espace d’un instant.

Perdu dans les méandres profonds,

D’un bonheur sans nom.


Ta bouche est douce et sensuelle,

Comme le chant d’une sirène, elle m’appelle.

Elle me donne l’envie d’en violer l’intimité,

D’un rapide et doux baiser.


Au début tu as peur,

De t’aventurer sur un sentier caché.

Mais c’est un sentier de fleurs,

Alors abandonne-toi à moi, mon aimée.


Le contact est timide,

Ma bouche contre tes lèvres humides.

Si le premier est bon,

Le second est de loin plus profond.


Une chaleur intense me submerge,

Comparable à la marée sur la berge.

Cette seule vague qui se retire,

Sans un murmure ou un soupir.


Sans conscience de ce qui nous entoure,

Nous qui pensions être liés pour toujours.

Mais le charme est rompu,

Par une bruyante intrusion inattendue.


Alors nous nous séparâmes,

Chacun la mort dans l’âme.

Espérant encore nous rencontrer,

Pour reprendre où nous avions arrêté.

Vincent Labranche,
( 17 ans )

Nostalgie d’un grand Poète…

 

Souvenir …

 

J’espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir
En osant te revoir, place à jamais sacrée,
O la plus chère tombe et la plus ignorée
Où dorme un souvenir !

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Que redoutiez-vous donc de cette solitude,
Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main,
Alors qu’une si douce et si vieille habitude
Me montrait ce chemin ?

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Les voilà, ces coteaux, ces bruyères fleuries,
Et ces pas argentins sur le sable muet,
Ces sentiers amoureux, remplis de causeries,
Où son bras m’enlaçait.

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Les voilà, ces sapins à la sombre verdure,
Cette gorge profonde aux nonchalants détours,
Ces sauvages amis, dont l’antique murmure
A bercé mes beaux jours.

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Les voilà, ces buissons où toute ma jeunesse,
Comme un essaim d’oiseaux, chante au bruit de mes pas.
Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse,
Ne m’attendiez-vous pas ?

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Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères,
Ces larmes que soulève un coeur encor blessé !
Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières
Ce voile du passé !

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Je ne viens point jeter un regret inutile
Dans l’écho de ces bois témoins de mon bonheur.
Fière est cette forêt dans sa beauté tranquille,
Et fier aussi mon coeur.

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Que celui-là se livre à des plaintes amères,
Qui s’agenouille et prie au tombeau d’un ami.
Tout respire en ces lieux ; les fleurs des cimetières
Ne poussent point ici.

.

Voyez ! la lune monte à travers ces ombrages.
Ton regard tremble encor, belle reine des nuits ;
Mais du sombre horizon déjà tu te dégages,
Et tu t’épanouis.

.

Ainsi de cette terre, humide encor de pluie,
Sortent, sous tes rayons, tous les parfums du jour :
Aussi calme, aussi pur, de mon âme attendrie
Sort mon ancien amour.

.

Que sont-ils devenus, les chagrins de ma vie ?
Tout ce qui m’a fait vieux est bien loin maintenant ;
Et rien qu’en regardant cette vallée amie
Je redeviens enfant.

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O puissance du temps ! ô légères années !
Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets ;
Mais la pitié vous prend, et sur nos fleurs fanées
Vous ne marchez jamais.

.

Tout mon coeur te bénit, bonté consolatrice !
Je n’aurais jamais cru que l’on pût tant souffrir
D’une telle blessure, et que sa cicatrice
Fût si douce à sentir.

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Loin de moi les vains mots, les frivoles pensées,
Des vulgaires douleurs linceul accoutumé,
Que viennent étaler sur leurs amours passées
Ceux qui n’ont point aimé !

.

Dante, pourquoi dis-tu qu’il n’est pire misère
Qu’un souvenir heureux dans les jours de douleur ?
Quel chagrin t’a dicté cette parole amère,
Cette offense au malheur ?

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En est-il donc moins vrai que la lumière existe,
Et faut-il l’oublier du moment qu’il fait nuit ?
Est-ce bien toi, grande âme immortellement triste,
Est-ce toi qui l’as dit ?

.

Non, par ce pur flambeau dont la splendeur m’éclaire,
Ce blasphème vanté ne vient pas de ton coeur.
Un souvenir heureux est peut-être sur terre
Plus vrai que le bonheur.

.

Eh quoi ! l’infortuné qui trouve une étincelle
Dans la cendre brûlante où dorment ses ennuis,
Qui saisit cette flamme et qui fixe sur elle
Ses regards éblouis ;

.

Dans ce passé perdu quand son âme se noie,
Sur ce miroir brisé lorsqu’il rêve en pleurant,
Tu lui dis qu’il se trompe, et que sa faible joie
N’est qu’un affreux tourment !

.

Et c’est à ta Françoise, à ton ange de gloire,
Que tu pouvais donner ces mots à prononcer,
Elle qui s’interrompt, pour conter son histoire,
D’un éternel baiser !

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Qu’est-ce donc, juste Dieu, que la pensée humaine,
Et qui pourra jamais aimer la vérité,
S’il n’est joie ou douleur si juste et si certaine
Dont quelqu’un n’ait douté ?

.

Comment vivez-vous donc, étranges créatures ?
Vous riez, vous chantez, vous marchez à grands pas ;
Le ciel et sa beauté, le monde et ses souillures
Ne vous dérangent pas ;

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Mais, lorsque par hasard le destin vous ramène
Vers quelque monument d’un amour oublié,
Ce caillou vous arrête, et cela vous fait peine
Qu’il vous heurte le pied.

.

Et vous criez alors que la vie est un songe ;
Vous vous tordez les bras comme en vous réveillant,
Et vous trouvez fâcheux qu’un si joyeux mensonge
Ne dure qu’un instant.

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Malheureux ! cet instant où votre âme engourdie
A secoué les fers qu’elle traîne ici-bas,
Ce fugitif instant fut toute votre vie ;
Ne le regrettez pas !

.

Regrettez la torpeur qui vous cloue à la terre,
Vos agitations dans la fange et le sang,
Vos nuits sans espérance et vos jours sans lumière :
C’est là qu’est le néant !

.

Mais que vous revient-il de vos froides doctrines ?
Que demandent au ciel ces regrets inconstants
Que vous allez semant sur vos propres ruines,
A chaque pas du Temps ?

.

Oui, sans doute, tout meurt ; ce monde est un grand rêve,
Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin,
Nous n’avons pas plus tôt ce roseau dans la main,
Que le vent nous l’enlève.

.

Oui, les premiers baisers, oui, les premiers serments
Que deux êtres mortels échangèrent sur terre,
Ce fut au pied d’un arbre effeuillé par les vents,
Sur un roc en poussière.

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Ils prirent à témoin de leur joie éphémère
Un ciel toujours voilé qui change à tout moment,
Et des astres sans nom que leur propre lumière
Dévore incessamment.

.

Tout mourait autour d’eux, l’oiseau dans le feuillage,
La fleur entre leurs mains, l’insecte sous leurs pieds,
La source desséchée où vacillait l’image
De leurs traits oubliés ;

.

Et sur tous ces débris joignant leurs mains d’argile,
Etourdis des éclairs d’un instant de plaisir,
Ils croyaient échapper à cet être immobile

Qui regarde mourir!

.

Insensés ! dit le sage. Heureux dit le poète.
Et quels tristes amours as-tu donc dans le coeur,
Si le bruit du torrent te trouble et t’inquiète,
Si le vent te fait peur?

.

J’ai vu sous le soleil tomber bien d’autres choses
Que les feuilles des bois et l’écume des eaux,
Bien d’autres s’en aller que le parfum des roses
Et le chant des oiseaux.

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Mes yeux ont contemplé des objets plus funèbres
Que Juliette morte au fond de son tombeau,
Plus affreux que le toast à l’ange des ténèbres
Porté par Roméo.

.

J’ai vu ma seule amie, à jamais la plus chère,
Devenue elle-même un sépulcre blanchi,
Une tombe vivante où flottait la poussière
De notre mort chéri,

.

De notre pauvre amour, que, dans la nuit profonde,
Nous avions sur nos coeurs si doucement bercé !
C’était plus qu’une vie, hélas ! c’était un monde
Qui s’était effacé !

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Oui, jeune et belle encor, plus belle, osait-on dire,
Je l’ai vue, et ses yeux brillaient comme autrefois.
Ses lèvres s’entr’ouvraient, et c’était un sourire,
Et c’était une voix ;

.

Mais non plus cette voix, non plus ce doux langage,
Ces regards adorés dans les miens confondus ;
Mon coeur, encor plein d’elle, errait sur son visage,
Et ne la trouvait plus.

.

Et pourtant j’aurais pu marcher alors vers elle,
Entourer de mes bras ce sein vide et glacé,
Et j’aurais pu crier : ” Qu’as-tu fait, infidèle,
Qu’as-tu fait du passé? ”

.

Mais non : il me semblait qu’une femme inconnue
Avait pris par hasard cette voix et ces yeux ;
Et je laissai passer cette froide statue
En regardant les cieux.

.

Eh bien ! ce fut sans doute une horrible misère
Que ce riant adieu d’un être inanimé.
Eh bien ! qu’importe encore ? O nature! ô ma mère !
En ai-je moins aimé?

.

La foudre maintenant peut tomber sur ma tête :
Jamais ce souvenir ne peut m’être arraché !
Comme le matelot brisé par la tempête,
Je m’y tiens attaché.

.

Je ne veux rien savoir, ni si les champs fleurissent;
Ni ce qu’il adviendra du simulacre humain,
Ni si ces vastes cieux éclaireront demain
Ce qu’ils ensevelissent.

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Je me dis seulement : ” À cette heure, en ce lieu,
Un jour, je fus aimé, j’aimais, elle était belle. ”
J’enfouis ce trésor dans mon âme immortelle,
Et je l’emporte à Dieu !

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Alfred de Musset, Poésies nouvelles

 

L’histoire d’Amour entre ….

Alexandre Dumas

et

 

Mélanie Waldor

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 » Rue de Valois, 3 Juin 1827″

 

 La salle est pleine. Alexandre promène son regard parmi le public. Soudain, il rencontre celui d’une jeune femme qui se garde de baisser les yeux. Après la conférence, il se retrouve dans un jardin pour prendre une tasse de thé. Elle est là. Avec sa fille. Dumas lui offre des friandises. Du coup, Mélanie se rapproche. Jolie et frêle, avec des yeux qui troublent infiniment Dumas, elle est mariée depuis sept ans avec un officier. Elle ne l’a jamais aimé, lui reprochant de l’avoir courtisée « froidement ». A ses garnisons successives, elle préfère la tendre hospitalité de ses parents.

 .

 Dès la première heure, elle plaît à Dumas. Donc il lui fait la cour à sa manière : la prenant brutalement dans ses bras quand personne ne les regarde, l’embrassant sans qu’elle puisse protester. Cela dure. Il lui écrit de plus en plus souvent. Il jure qu’il l’aimera toujours. Le 22 septembre, un dimanche, trois mois après leur première rencontre, elle se donne enfin mais par la suite, la rareté de leurs rencontres les enflamme tous deux. Alexandre à Mélanie : « Tu pourras me dire, quand tu le voudras, fusses-tu sur mon coeur, que tu me hais, que tu me détestes – mais le toucher me révèle le contraire…« 

 .

Désormais, ils se voient chaque soir. Une chambre louée par Dumas, rue de Sèvres, abrite leurs ébats.

 .

 Imaginons le cri poussé par Mélanie qui se précipite dans la chambre en brandissant une lettre qu’elle lit aussitôt à Alexandre : tout heureux le capitaine Waldor annonce à son épouse qu’une permission va lui permettre de la revoir bientôt. Bien sûr, elle sanglote. On le voit, lui abasourdi.

 .

 Que signifie, aux retrouvailles du lendemain, le grand sourire d’Alexandre ? Il explique : il s’est rendu dans la journée au ministère de la Guerre, a rencontré un officier ami et a obtenu de lui l’annulation du congé de l’intrus. L’officier n’a pas hésité après que Dumas lui eut annoncé que, si Waldor regagnait Paris, il le tuerait à l’instant : Mélanie et Alexandre sont sauvés.

 .

 L’infortuné capitaine Waldor ne comprendra jamais pourquoi ses autorisations de permission seront désormais régulièrement supprimées.

 .

 La clandestinité ne peut survivre longtemps, le couple s’installe rue Cassette. Intelligente et cultivée, elle commence à s’intéresser de près à la carrière théâtrale de son amant. Quand elle se sait enceinte, elle s’enfuit à la Jarrie, propriété de ses aprents en Vendée, afin d’y poursuivre sa grossesse sans témoin. Les amants sont convenus d’appeler Antony l’enfant qu’elle porte, nom de la pièce qui vient d’être reçu à la Comédie-Française. Dumas lui a juré de la rejoindre bientôt. Chaque jour, à la Jarrie, Mélanie est sûre de voir paraître Alexandre.

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 Il ne vient pas : il a rencontré Belle Krelsamer, comédienne dont le talent et la beauté l’ont sur-le-champ subjugué. Mélanie ignore tout de cette rivale, et son ventre s’arrondit. De leur rencontre en Vendée, on retient surtout qu’il lui a révélé sa nouvelle liaison avec Belle.

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 On s’étonne d’un comportement auquel rien ne l’obligeait. L’ayant beaucoup observé, Mamie m’en a livré le secret : « Jamais il n’a su quitter une femme. Ce que l’on refusera de croire, ce qui est véritable cependant, c’est la constance fabuleuse du grand romancier dans ses amours. Je ne dis pas sa fidélité, remarquez-le. Il établit une différence totale entre ces deux mots.« 

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 Quand Dumas affirme à Mélanie qu’il l’aime toujours, il est sincère. Quand Mélanie pleure, quand elle laisse libre cours sa colère, il ne comprend pas. Mamie encore : « Si les femmes ne lui avaient rendu le service de l’abandonner, il aurait encore toutes ses maîtresses, depuis la première. »

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Hélas, le désespoir de Mélanie se change en une crise de nerfs qui, au grand chagrin d’Alexandre, provoque une fausse couche. Les voici, dans ce malheur, unis derechef. Quand Dumas quitte Mélanie, il lui jure de rompre avec Belle. A Paris, il oublie son serment. Désarroi compréhensible de Mélanie qui, regagnant la capitale, se rue chez… Belle Krelsamer. S’ensuit un échange de cris, de larmes, d’implorations : chacune jure qu’elle est seule à être aimée. Les coups sont évités de justesse. Le pire, le pire de tout : Mélanie apprend que « la Krelsamer » est enceinte de Dumas. La totale !

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 Mélanie veut mourir. Pour de bon. Elle adresse au médecin une lettre testamentaire :

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« Je veux un marbre blanc avec écrit dessus ces quatre dates :

« Le 12 septembre 1827 (le jour où elle lui a avoué son amour)

« Le 22 septembre 1827 (date où elle s’est donné à lui)

« Le 18 septembre 1830 (quand il est parti de la Jerri)

« Et le 22 septembre 1830 (jour ou elle a décidé de se donner la mort). »

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 Elle ne se l’ai pas donnée. A quoi bon ? Elle a compris qu’elle voulait avant tout être libre. Après une séparation de corps avec le capitaine Waldor, elle entame une carrière littéraire, publie des romans, fait jouer une pièce, collabore à plusieurs journaux. De Dumas, il ne lui reste que son fils Alexandre auquel, tout enfant, elle s’est profondément attachée. Alexandre II lui rendra bien d’ailleurs. Quand elle apprend la mort de Dumas, c’est à lui qu’elle écrit : « Je pense à toi mon cher Alexandre en pensant à ton père que je n’oublierai jamais ».

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Dors à mes pieds !…

 

Dors à mes pieds !… Rêve d’amour
Mon souffle, comme une caresse,
Glissera sur le pur contour
De ce beau front qu’avec paresse
Tu reposes sur mes genoux.
Dors à mes pieds, tout fait silence,
Hors la branche qui se balance,
Souple et frêle, au-dessus de nous ;
Dors à mes pieds, tout fait silence.

Sous mes baisers clos tes yeux noirs,
Tes yeux où brillent tant de flammes,
Qu’on les croirait les deux miroirs
Où se reflètent nos deux âmes.
Dors à mes pieds !… Rêve d’amour ;
Je suis jalouse de tes rêves,
Comme du temps que tu m’enlèves
Avec le monde chaque jour…
Je suis jalouse de tes rêves !…

Le soleil glisse à l’horizon.
Pas un souffle, pas un nuage…
Un rayon d’or, sur le gazon,
Reste comme un heureux présage !
Nos riches tapis ne sont pas
Aussi doux que ce lit de mousse
Où, folâtre, ta main repousse
Le brin d’herbe effleurant mon bras.
Dors sur l’herbe, les fleurs, la mousse…

Dors à mes pieds !… Rêve d’amour :
Mon souffle, comme une caresse,
Glissera sur le pur contour
De ce beau front qu’avec paresse
Tu reposes sur mes genoux.
Dors à mes pieds, tout fait silence,
Hors la branche qui se balance,
Souple et frêle, au-dessus de nous ;
Dors à mes pieds, tout fait silence.

 

Mélanie Waldor

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Mélanie Waldor, née Mélanie Villenave à Nantes le 29 juin 1796 et morte à Paris le 14 octobre 1871, est une femme de lettres française, à la fois romancière, poète et dramaturge.

Fille de l’avocat et érudit Villenave, elle épouse sous la Restauration, à Nantes, le 22 mars 1822, François-Joseph Waldor, un officier d’origine belge. Elle tient un salon littéraire chez ses parents, rue de Vaugirard à Paris. Elle devient par la suite, en 1827, la maîtresse d’Alexandre Dumas, sur lequel elle avait une certaine influence. En 1835, lors d’un des déplacements à Paris de Camillo Cavour, Mélanie Waldor devient sa maitresse1. Son premier essai est un roman historique, L’Ecuyer d’Auberon, ou l’Oratoire de Bonsecours (1832). En 1835, elle se révèle comme poète dans ses Poésies du cœur, recueil de vers qui fut jugé remarquable par le sentiment, le goût et l’élégance. André Maurois la décrivait « frêle, jolie avec des yeux caressants et des mines pudiques qui affolent ».

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Œuvres

Romans

  • L’Écuyer Dauberon, ou l’Oratoire de Bonsecours, 1832

  • Le Livre des jeunes filles, 1834

Contient : La Pension et les deux mariages. Valérie. La Mère Godin. Une leçon.

  • Heures de récréation, 1835 

Contient : Les Petits Colliberts, ou le Bateau d’Émeriau. Auguste, ou le Choix d’un état. Victor, ou le Bazar des pauvres. Nelly, ou la Piété filiale.

  • Pages de la vie intime, 2 vol., 1836

Contient : Clara. Histoire d’une pauvre famille. La Maison rouge. Scènes du monde et de la solitude.

  • L’Abbaye des Fontenelles, 2 vol., 1839

  • Alphonse et Juliette, 2 vol., 1839

  • La Coupe de corail, 2 vol., 1842 Texte en ligne 1 2

  • André le Vendéen, 2 vol., 1843

  • Le Château de Ramsberg, 2 vol., 1844

  • Charles Mandel, 2 vol., 1846 Texte en ligne 1 2

  • Les Moulins en deuil, épisode de la guerre de la Vendée, 1793, 1852 Texte en ligne

  • Jeannette, 1861 Texte en ligne

  • Nelly, ou la Piété filiale, 1882

Théâtre

  • L’École des jeunes filles, drame en 5 actes, Paris, Renaissance, 29 avril 1841

  • La Tirelire de Jeannette, comédie-vaudeville en 1 acte, Paris, Ambigu-Comique, 16 avril 1859

  • La Mère Grippetout, vaudeville en 1 acte, Paris, Ambigu-Comique, 21 avril 1861

  • Le Retour du soldat, saynète patriotique en 1 acte, Paris, Ambigu-Comique, 15 août 1863

Poésie

  • Poésies du cœur, 1835

  • Cantate dédiée à S.M. l’impératrice Eugénie, 1853

Correspondance

  • Lettres inédites de Mélanie Waldor, précédées d’une notice biographique, 1905

Abat-jour…

Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire ?
C’est que voici le grand moment,
l’heure des yeux et du sourire,
le soir, et que ce soir je t’aime infiniment !
Serre-moi contre toi. J’ai besoin de caresses.
Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir,
d’ambition, d’orgueil, de désir, de tendresse, et de bonté !…
Mais non, tu ne peux pas savoir !…
Baisse un peu l’abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux.
C’est dans l’ombre que les coeurs causent,
et l’on voit beaucoup mieux les yeux
quand on voit un peu moins les choses.
Ce soir je t’aime trop pour te parler d’amour.
Serre-moi contre ta poitrine!
Je voudrais que ce soit mon tour d’être celui que l’on câline…
Baisse encore un peu l’abat-jour.
Là. Ne parlons plus. Soyons sages.
Et ne bougeons pas. C’est si bon
tes mains tièdes sur mon visage!…
Mais qu’est-ce encor ? Que nous veut-on ?
Ah! c’est le café qu’on apporte !
Eh bien, posez ça là, voyons !
Faites vite!… Et fermez la porte !
Qu’est-ce que je te disais donc ?
Nous prenons ce café… maintenant ? Tu préfères ?
C’est vrai : toi, tu l’aimes très chaud.
Veux-tu que je te serve? Attends! Laisse-moi faire.
Il est fort, aujourd’hui. Du sucre? Un seul morceau?
C’est assez? Veux-tu que je goûte?
Là! Voici votre tasse, amour…
Mais qu’il fait sombre. On n’y voit goutte.
Lève donc un peu l’abat-jour.

 

Paul Geraldy (« Toi et Moi »)
1885

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